Le récit des DA - 02 Les Sindorei
Sig posa son regard sur les jeunes têtes, pris un temps de réflexion et se lança "pour que vous compreniez bien, il faut que je vous explique comment on vivait à l'époque".
Le simple fait de se remémorer ces souvenirs le bousculait plus qu'il ne s’y attendait. Il prit un ton plus grave et continua "Je vous parle d'un temps sombre pour notre peuple. La guerre contre la Horde puis le Fléau en peu de temps ont laissé Lune d’Argent en ruine. Kael'thas, notre chef, nous a abandonné pour aller en Outre-terre. Les morts innombrables de nos frères ont été tellement importante, qu’avant son départ, il nous avait renommé les Sind'orei. Elfes de Sang, tellement il en avait coulé sur nos terres. Et puis, il y a eu l’explosion du Puits du Soleil.” Sig marqua une pause. Pour sortir des souvenirs difficiles, il posa la question “Vous connaissez tous le puits du soleil n'est-ce pas ?"
Une petite elfette fière comme son papa, un elf Paladin répondit tout fort "Youpla, moi je sais!! C'est la source de notre magie, mon papa il dit que même sans elle il continuera de donner des coups de tatanes aux méchants pas beaux ! Mais ma maman elle lui répond qu'il dit n'importe quoi et qu'après il faudra encore le soigner et que Mayelle elle a d'autres gens à s'occuper alors il devrait faire un peu plus attention à lui et qu'il arrête de me dire n'importe quoi".
Eni la regarda avec un sourire et continua "Nous parlons peu de cette période. Nous avions perdu notre source de magie. Sans elle, on devait retrouver les gestes de nos ancêtres, tout réapprendre, reconstruire notre capitale et même pour se nourrir. Et puis vous savez, soigner les nôtres sans magie n’était pas chose simple, d’autant plus qu’une nouvelle maladie était apparue, et il n'y avait pas de remède connu".
La cheffe continua à expliquer le brutal changement. Les pertes des guerres laissaient des traces dans les cœurs, laissaient également des marques dans les régions alentours. Les Bois des Chants éternels n'étaient plus aussi sûr qu'auparavant au point qu’une région avait été renommée en Terre fantômes tellement elle avait été marqué par les partisans du fléau, toujours en action. Et au-delà point de répit, au contraire, le fléau avait pris possession des terres autrefois fertiles encore plus profondément, en les rendant stériles et chancreux. Les humains les avaient fui et les renommèrent les Maleterres. Finalement, cet isolement autrefois privilégié, était devenu un piège.
Les Chefs avaient mis en silence le réel mal qui les avait rongé à cette période. Car si la douleur de la perte des proches était immense, elle n'était rien comparé au Manque.
C'est le nom que les Sindorei avait donné à ce mal insupportable. En effet, la dépendance vis-à-vis du Puits du Soleil avaient transformé profondément ces hauts elfes jusqu’au point qu’ils leur étaient impossible de s’en défaire. Lié à elle a jamais.
Seraient ils devenus comme les flétris du Suramar ? Nul ne sait comment aurait pu finir cette crise, sans les magistères. En effet, depuis le départ de Kael'thas Haut-soleil, ils étaient une des factions les plus importantes de Quel'thalas. Ils avaient construit de grands cristaux verts, appelés cristaux ardents, pour que les elfes de sang puissent compenser le Manque. Mais durant la transition les effets de ce dernier accaparaient toutes leurs pensées jusqu’à s’y perdre. Ils pouvaient perdre l'appétit à s'en épuiser, certains tombèrent même dans la folie.
Le soleil venait de disparaitre derrière l’horizon. Sig attendit que le Tavernier alluma les chandeliers au-dessus des tables, puis continua. " C’est dans ce contexte de transition qu’un matin, je sortis de chez moi pour me diriger vers la place de l’épervier. Le seul endroit où l’on pouvait encore trouver des marchandises pour se nourrir. Les nuits étaient de plus en plus dures, des cauchemars sans aucuns sens me hantaient sans que je puisse véritablement me reposer. De plus en plus souvent, je me rendais compte que j'étais en pilote automatique, je marchais, je marchais puis parfois j'oubliais ma destination, où me retrouvait dans un endroit sans savoir ce que j'y étais venu faire. Dans un autre temps, cela était une raison suffisante pour aller consulter des soigneurs, mais à ce moment, c'était impossible. J'arrivais sur la place de la Bourse Royal autrefois pleine de vie, et je vis Daenorin un compagnon mage comme moi. Il était immobile, accroupi contre un mur d’une boutique fermée comme tant d’autre. Je lui demandai ce qu’il faisait ici seul. Je me souviens encore de ce regard vide. Il me fixa sans vraiment me voir et me demanda tout simplement sans me reconnaître Anaria shola(1)?
À peine trois jours, c'était écoulé depuis la dernière fois que l’on s’était parlé. On s’était questionné des raisons de cette missive que l’on venait de nous transmettre nous demandant de rejoindre les Magistères. C’était la première fois que nous autres petits mages étions demandé comme ça. J’ai su bien plus tard la vraie raison, mais je m’écarte de mon récit. Donc oui où en été ai-je ?”
Ysera, pas la dragonne, mais la fille d’un champion des Décrépits répondis tout en mangeant un gros morceau de pain “de la rencontre avec Daenomachin… désolée m’souvient plus de son nom”.
Sig retrouva le fil de ses pensées et repris “Oui, c’est ça. Pendant plusieurs longues minutes, j’ai essayé de lui faire reprendre les esprits, en lui parlant de souvenirs communs. Un moment, il me regarda comme s’il était revenu à lui, puis me demanda “Je cherche ma Minn'da(2), vous ne l’auriez pas vu ?” C’est alors que je compris que je l’avais perdu. J’ai dû faire des efforts immenses pour me relever et partir. À cet instant, j’ai vraiment ouvert les yeux sur l’état de notre peuple. Daenorin, n’était pas le seul perdu. D’autre étaient assis sans bouger sur des bancs. Je voyais au sol, les pots brisés avec les fleurs desséchées, les balais magiques inertes, les allées quasiment désertes, les échoppes fermées. Les fontaines auparavant majestueuses ne coulaient plus, des débris s'accumulaient par-ci par-là. Bref, je n’étais plus dans le déni, nous étions en grands dangers.
Je continuai malgré tout mon chemin jusqu’à la place de l’épervier. Là un marchand ambulant avait disposé son étal peu rempli. Il était de taille moyenne et portait un chapeau de paille surement pour se protéger du soleil. Cela faisait longtemps que nous portions plus ce genre d'acabits. Des vêtements utilitaires, c’étaient vraiment une annonce de notre décadence proche, pourtant il avait le sourire comme ci tout cela était naturel. J'achetai quelques provisions et en parlant avec lui je le trouvais bien plus alerte que nos concitoyens. Après l'avoir interrogé sur ce ressenti il m'avoua que depuis qu'il buvait une décoction les effets du Manque étaient moins fortes ou du moins plus supportables. Je lui fis part de mon intérêt, vous vous en doutez bien. Mais il me répondit qu'il n’avait plus de ces herbes étranges, et qu’il ne savait même pas vraiment ce que c’était. Je voyais bien qu’il était peu disposé à en parler. J’ai dû utiliser un tour de passe-passe pour lui montrer que j’avais encore de la magie en moi et que j’étais disposé à l’utiliser s’il gardait des secrets qui pourraient aider un grand nombre d’entre nous, voire les sauver. Cela a dû suffire à lui faire peur.
Il me répondit qu'une forestière un peu particulière lui apportait tous les deux, voire trois jours ces mélanges d'herbes. Ma curiosité piquée au vif, je lui demandai en quoi une forestière pouvait être particulière, elles sont toutes pareilles uniformes oblige. Il me répondit qu'elle parlait peu et était toujours pied nu.”
Eni rougit légèrement.
1: Que puis-je pour vous ?
2 Maman